jeudi 7 octobre 2010

L'intitut pour la justice rebondit

Savoir faire ne suffit pas. Il faut aussi faire savoir ce que l'on fait. Dans cette activité, l'Institut pour la Justice mérite une note d'excellence.


Il est toujours difficile pour une association de surmonter les campagnes négatives surtout lorsqu'elles se concentrent dans les milieux qui constituent le meilleur vivier de donateurs potentiels.

l'Institut pour la justice a fait face à de dures critiques sur des blogs et a dû gérer le départ d'une recrue emblématique, le père d'une jeune fille victime d'un tragique fait-divers.

Comment faire dans ce cas de figure ?

Il est pratiquement impossible de répondre car, à elle seule, la réponse est un aveu : « il n'y a pas de fumée sans feu ». Il vaut mieux confier au temps qui passe et à la volatilité de la mémoire humaine la solution des maux qui vous accablent.

Toutefois, il est une autre méthode que l'Institut pour la justice a chosie, en faire des tonnes sur son activité. Photos à l'appui, ses animateurs battent le tambour et embouchent la trompette à chaque fois qu'ils rencontrent un sous-sous-ministre ou visitent un palais de la République.

Leur bulletin trimestriel Droit et liberté destiné aux donateurs est remarquablement fait et applique à merveille le principe de se mettre en valeur. J'ai beaucoup aimé cette légende en dessous d'une photo du ministre de la Santé : « L'IPJ a demandé au cabinet de Mme Bachelot de renforcer son projet de loi ». Celle-ci n'est pas mal non plus : « L'IPJ auditionné par M. Jeanneteau. » ou encore « L'IPJ réunit de grands experts pour améliorer le sort des victimes ». Le texte aussi gonfle à l'hélium les réalisations de l'IPJ. Le main du rédacteur n'a pas tremblé en écrivant : « un interlocuteur respecté des pouvoirs publics » selon les grands médias. D'autres phrases du même acabit transforment l'IPJ en interlocuteur habituel des pouvoirs publics.

Tout est une question d'interprétation. Dans la mesure où les faits rapportés par le bulletin sont vrais, la licence poétique s'applique de plein droit. Je n'y trouve d'autant moins à redire que les rédacteurs sont intelligents et savent jusqu'où ils peuvent aller.

La qualité des copy-writers se retrouve dans le récent mailing de prospection du 23 septembre dernier que j'ai reçu grâce à un échange de fichiers entre IPJ et la Ligue des conducteurs.

J'ai aimé

L'enveloppe



Une accroche très efficace qui incite le lecteur dans les tranches d'âge visées à ouvrir l'enveloppe. l'astuce du rédacteur se trouve dans le non dit du texte.

La lettre


Huit pages au compteur ! Quand on a des choses à dire et des destinataires qui n'ont pas grand chose de mieux à faire, pourquoi se priver ? D'autant que du papier imprimé en une seule couleur ne grève pas le budget.

Une typographie à espaces fixes, style machine à écrire, mais en plus propre.

Des paragraphes courts, quatre lignes le plus souvent, des inters, des soulignés, des décrochés, des puces, toute la panoplie est mobilisée (à l'exception des mentions manuscrites).

Des illustrations au fil du texte qui prouvent la pertinence de l'Institut : l'IPJ chez Sarkozy, l'IPJ à l'Assemblée nationale, l'IPJ au ministère de la Justice, il ne manque que le pape et Dieu le père.

La qualité du texte repose principalement sur sa capacité à susciter l'indignation et la révolte du lecteur et à le conduire à soutenir l'action de l'IPJ.

Contrairement à leurs collègues des Contribuables associés qui envoient des mailings qui font allusion sans le dire à une actualité de 2007, l'IPJ sait lire les journaux et inclut dans son texte des références précises à des faits d'actualité : 12 et 19 août 2010, 16 et 18 juillet 2010. Cette récence fait passer les autres faits cités qui remontent à 2009 ou 2006.

La structure est des plus classiques.


Pourquoi je vous écris à vous ?
Parce que j'ai trouvé votre nom sur un liste où il n'y a que des gens bien et honnêtes.

Quelle est la raison qui motive mon courrier ?
La majorité des forces de l'ordre sont soit dans des bureaux soit sur le bord de la route.

Que puis-je faire ?

Participer au référendum sur la Justice.

Pourquoi est-ce important ?

Parce que les autorités sont d'une indulgence révoltante à l'égard des vrais délinquants.



La phrase de transition, the page turner, est d'une parfaite simplicité :

J'exagère ?

La suite de la lettre alterne la description de faits-divers révoltants bien mis en bouche par des inters alléchants :
Ils essayent d'assiner un policier… le juge les libère aussitôt

Ils cassent, brûlent et pillent;
les policiers reçoivent l'ordre de laisser faire

Un squatter s'installe chez lui en son absence… la police « ne peut rien faire » !

La fille de Michel Sardou coupable d'avoir été violée

Tous les prétextes sont bons pour relâcher les criminels

Je mets au défi un lecteur de plus de soixante ans de rester insensible à l'argumentaire de l'IPJ. Les huit pages font mouche.

L'appel à l'action est justifié par une citation du Figaro qui mentionne l'Institut et fait une valoration positive de son influence sur la politique judiciaire du gouvernement.

Le bon de retour




Le référendum sur la Justice combine astucieusement le bon de retour et le questionnaire à caractère pétitionnaire. Simple et percutant.

Le prix d'appel est à 20 euros, ce qui tend à prouver que les campagnes de l'IPJ recrutent à petit prix. C'est d'autant plus nécessaire que l'IPJ ne bénéficie pas, ou plus, de la capacité d'émettre des reçus fiscaux.

Ils abordent sans fard cette question dans un paragraphe ad hoc :

C'est bien vu.

J'ai moins aimé

L'accroche de la lettre est à mon avis un peu faible tout comme l'explication de l'origine de la l'adresse, on a l'impression de l'avoir lue dix fois.



Un bon travail

C'est pratiquement un sans-faute que réussit l'Institut pour la justice avec un mailing bien conçu, agréable à lire et incitatif au don.

D'un bon rapport qualité/prix, il est un bon exemple de mailing de prospection.

1 commentaire:

  1. Bravo pour vos analyses qui sont autant de bonnes sources d'inspiration. Une remarque cependant au sujet des reçus fiscaux et de l'IPJ (que je découvre via ce billet). Le paragraphe "ad hoc" et "sans fard" que vous citez ici est erroné : l'IPJ y affirme ne pas pouvoir émettre de reçus fiscaux au motif qu'ils n'ont pas reçu la reconnaissance d'utilité publique. Mais ce motif est faux : la reconnaissance d'utilité publique n'est ni nécessaire ni suffisante pour émettre des reçus fiscaux.

    En effet, il suffit d'être un organisme remplissant les critères fiscaux de l'"intérêt général" (au sens de l'article 238 bis du code général des impôts). Remplir ces critères ne nécessite aucune procédure administrative. Il suffit :

    1) d'être à but non lucratif (gestion désintéressée et activité d'utilité sociale)

    2) et d'être à caractère philanthropique, humanitaire, social (ou autre, cf. l'art 238 bis pour la liste complète)

    3) et de ne pas bénéficier à "un cercle restreint de personnes".

    Si l'IPJ n'a pas le droit d'émettre de reçus fiscaux, alors c'est qu'il ne s'agit pas d'un organisme d'intérêt général :

    1) soit leur activité est à but lucratif (les dirigeants sont rémunérés ou l'activité est commerciale),

    2) soit elle ne bénéficie qu'à un cercle restreint de personnes,

    3) soit il ne s'agit pas d'un organisme à caractère philanthropique, humanitaire, social, etc.

    Je n'en sais pas plus car je ne les connais pas. Peut-être sont-ils eux-même victimes d'une mauvaise appréciation du "cercle de personnes" auquel leur activité bénéficie (j'avais entendu parler d'une association d'aide aux malades du sida à qui le fisc avait cherché des poux au motif que leur activité ne bénéficiait qu'aux seuls malades et non pas à tout un chacun, avant de se rétracter).

    En tout état de cause, leur paragraphe me semble erroné voire trompeur ("une cause d'intérêt général") et entretient la confusion fréquente, dans le milieu associatif, entre la reconnaissance d'utilité publique (lourde et assez difficile à obtenir de la part des pouvoirs publics) inutile pour les reçus fiscaux et les critères d'intérêt général au sens fiscal que remplissent une très grande proportion des associations loi 1901 en France.

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