mardi 5 octobre 2010

Dans les colonnes du Monde, la journaliste Virginie Malingre rapporte les progrès de la Taxpayers' Alliance, un mouvement qui peut être comparé en France aux Contribuables associés. En dépit de leur baisse de régime depuis le départ de l'équipe de Score Marketing, ses animateurs seraient-ils capables de faire de même dans notre pays ?

L'heure du thé a sonné

David Cameron, qui a ramené les tories au pouvoir après treize ans d'opposition et s'est installé au 10 Downing Street en mai, ne donne pas toujours satisfaction à l'aile droite de son parti. Mais rares sont ceux qui, comme Daniel Hannan, ont décidé de manifester leur mécontentement à l'occasion de la traditionnelle conférence d'automne du parti, qui se tiendra à Birmingham, du 3 au 6 octobre.

Elu tory à Strasbourg depuis 1999, cet eurosceptique assumé de 39 ans défilera avec quelques autres sous la bannière du British Tea Party qu'il a lancé en février. Ce fan de Sarah Palin et de Fox News veut importer au Royaume-Uni le mouvement qui perturbe la vie politique américaine, avec comme mot d'ordre la baisse des impôts. Alors que les dépenses publiques représentent 48 % de la richesse nationale, contre moins de 38 % au début des années 2000, M. Hannan attend que M. Cameron, qui promet pourtant la plus grande cure d'austérité qu'ait connue le pays depuis la seconde guerre mondiale, accélère le rythme. Pour l'heure, l'organisation de M. Hannan reste embryonnaire. Mais il n'est pas seul sur le créneau.

La Taxpayers' Alliance (TPA) occupe déjà le terrain. Matthew Elliott, son président de 32 ans, ne revendique pas l'appellation, peu patriotique à son goût. "Le Tea Party a été baptisé en référence à la rébellion des colonies américaines contre la Couronne britannique", rappelle-t-il, quand des habitants du Massachussets, le 16 décembre 1773, fâchés de payer les taxes imposées par Londres sans pour autant être représentés au Parlement de Westminster, jetèrent dans le port de Boston une cargaison de thé. Mais il rêve, lui aussi, d'un mouvement de masse contre un Etat oppresseur.

D'ailleurs, début septembre, la TPA a organisé une conférence à Londres à laquelle ont participé ses homologues européens mais aussi, et c'est une première, les plus importantes de ces organisations qui aident les "tea partiers" à s'imposer outre-Atlantique (organisation de manifestations géantes, support logistique et financier à des hommes et femmes politiques d'un nouveau genre...). Elles ont financé l'événement et fait le déplacement, espérant trouver sur le Vieux Continent un relai à leur pasionaria.

"Ce qui se passe aux Etats-Unis n'est pas transposable à l'identique en Grande-Bretagne", juge M. Elliott. Les Britanniques n'ont pas la culture de la rue, les partis politiques n'organisent pas de primaires ouvertes, et le volet conservateur social du Tea Party n'a pas d'avenir de ce côté-ci de la Manche. Il n'empêche, juge-t-il, "plusieurs pays européens ont eu leur moment Tea Party, à leur manière". Et de citer "la révolte des Allemands contre le sauvetage de la Grèce, le dégoût des Britanniques après le scandale des notes de frais de Westminster".

La TPA compte 60 000 membres, affirme M. Elliott, "à peine 5 000 de moins que le parti Libéral démocrate" qui participe au gouvernement des tories. Là dessus, 7 000 hommes et femmes donnent régulièrement de leur temps pour distribuer des tracts, faire signer des pétitions ou manifester, ici ou là.

Avec un million de livres de budget et des donateurs qui ont souvent en commun de financer le parti conservateur, la TPA, qui, à ses débuts, organisait ses réunions chez Starbucks, peut s'offrir des locaux à quelques encablures de Westminster, employer quinze personnes à temps plein et avoir des représentants dans plusieurs grandes villes du pays.

L'histoire commence en 2004. M. Elliott, diplômé depuis peu de la London School of Economics, supporte mal de voir le Labour de Tony Blair "jeter l'argent par les fenêtres". Et ce, sans que le parti conservateur, désireux de rompre avec l'image de "nasty party" qui lui colle depuis l'ère Thatcher, ne s'en offusque.

Très vite, la TPA occupe le vide. Ses travaux sur les gaspillages des administrations, les excès des parlementaires ou les millionnaires de la fonction publique font régulièrement la "une". "Les journaux ont moins d'argent qu'avant pour enquêter. Et plus de travail. Alors nous leur fournissons du prêt à publier", explique M. Elliott, devenu spécialiste des rapports concis, avec des chiffres éloquents et des titres percutants.

Certains contestent le sérieux de ce travail, "plus souvent une synthèse de ce qui existe qu'une véritable recherche", juge Sunder Katwala, de la Fabian Society, un think tank de centre gauche. "Chaque année, nous déposons au moins 10 000 demandes d'informations au nom du Freedom Information Act, qui concernent le secteur public", rétorque M. Elliott.

Qu'importe, la TPA fait évoluer le débat. A force de marteler, sans répit et exemples à l'appui, que l'argent des contribuables est gaspillé, "elle a acquis une forte influence", juge Tony Travers, politologue à la London School of Economics. D'ailleurs ni le Labour, ni les tories, ni les lib-dem n'ont fait campagne, en 2010, sur un Etat plus fort.

La récession, du point de vue de la TPA, est une aubaine alors que les Britanniques apprécient peu de payer les frasques des banques. Les grèves, que promettent les syndicats pour protester contre les coupes budgétaires à venir, pourraient en être une autre. "Notre heure est venue", veut croire M. Elliott.

Courriel : malingre@lemonde.fr.

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